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IMPACTS HUMAINS ACTUELS SUR LE LAC TANGANYIKA.
Mireille & Jacky Schreyen (traduction P. Hotton ainsi que son aimable autorisation) 04/2011
Comme tous les cichlidophiles, nous sommes concernés par la biodiversité du lac Tanganyika et son statut. Aussi, quand nous avons été invités en septembre 2010 à participer au congrès du PAS (Programme d'Action Stratégique pour la Gestion Durable du Lac Tanganyika), nous l'avons attendu avec grand intérêt. Heureusement, de nombreuses personnes se sentent également concernées par la pollution grandissante que le lac Tanganyika et les bassins avoisinants rencontrent ces dernières années. L'association PAS a invité des représentants des gouvernements des quatre pays qui partagent les rives du lac et a essayé de décider de mesures visant à éviter, ou du moins à freiner, la dégradation de l'habitat du lac au vu de la pression démographique accrue. Les principales cibles du dernier meeting étaient: Pollution, Érosion, Sédimentation et Surpêche.
Pollution
La pollution est principalement due à la dégradation de la zone supra-littorale du lac : déforestation, utilisation de pesticides sur les cultures, déchets industriels, immondices des villes (Bujumbura, Kigoma, Kalémie, Mpulungu, mais aussi de plus petites localités comme Rumonge, Nyanza Lac, Gitaza au Burundi ...), exploitations minières (au Burundi : or, cassitérite, dans un avenir proche nickel et, plus que probablement... pétrole Q. Étonnamment, une nouvelle pollution biologique provient des jacinthes d'eau qui envahissent lentement le nord du lac. La Tanzanie, le Congo et la Zambie essaient déjà de lutter contre ces envahisseuses et contre d'autres végétaux aquatiques dans le lac Victoria et dans le bassin du Congo. Maintenant, tout le monde est concerné par ce problème.
Érosion et Sédimentation
Un des problèmes principaux en Afrique est la déforestation. La plupart des populations vivant en Afrique Centrale n'ont pas d'autre alternative pour cuire leurs aliments que d'utiliser du bois ou du charbon de bois. Aussi, les forêts sont coupées bien plus vite qu'elles ne sont replantées ou qu'elles n'aient le temps de pousser. En conséquence, le sol est délavé par les pluies, et les boues en résultant finissent dans le lac. La sédimentation est encore accélérée par la collecte incontrôlée de sable et de pierres dans le lit des rivières (au Burundi : Ruzizi, Mugere, Ndahangwa...) pour la construction des maisons et des routes. Récolter ces matériaux pour la construction déstabilise le lit des rivières et augmente la sédimentation.
Quand nous plongeons au Burundi, nous avons noté que la plus grande partie de la côte rocheuse (entre Kabezi et Magara) est lentement recouverte de vase. En conséquence, la bio couverture des rochers est étouffée et disparaît rapidement. La bio couverture et le plancton sont la base de la vie dans le lac, tout comme ils ont un rôle central dans les océans. Si la bio couverture disparaît, alors la vie dans cette zone disparaîtra rapidement.
Dans le lac Victoria, l'érosion massive et la sédimentation ont créé des zones a mortes ». Quelques bactéries sont capables de vivre dans de telles zones mortes, mais les poissons ont un besoin vital d'oxygène. Il y a quelques années, après une nuit de fortes pluies, toutes les roches de la Baie de Gitaza ont été recouvertes de boue. Pendant des années, cet endroit était un des meilleurs au Burundi pour observer de nombreux Eretmodus. Mais ce n'est plus le cas maintenant. Il y avait un lieu près de Nyanza Lac abritant beaucoup de Mastacembellus ellipsifer, niais les réfugiés qui sont revenus des camps en Tanzanie avaient besoin de pierres pour construire leurs maisons et ont retiré toutes les pierres des eaux peu profondes. Évidemment, depuis lors, il n'y a plus de Mastacembellus à cet endroit... Il y a tant d'exemples à citer.
Surpêche
En 2000, environ 10 millions de personnes vivaient dans le bassin du lac Tanganyika. Aujourd'hui, la population doit avoir augmenté d'au moins 30 %. Les espèces de Limnothrissa et de Stolothrisso, clupéidés pélagiques, ainsi que les Lates stappersii (perche) sont les sources principales de protéines pour les personnes vivant au bord du lac : leurs populations ont décliné dramatiquement. Pourquoi ? Pendant la période de reproduction de ces espèces, les gens collectent les œufs de ces poissons avec des moustiquaires. Comme ils disent « c'est si bon ! Comme du vrai caviar !».
Le nombre de bateaux collectant des clupéidés durant la nuit ainsi que la taille des mailles des filets de pêche sont peu contrôlés, voire pas du tout. Les sennes draguent les plages jour après jour pour capturer les cichlidés sabulicoles appelés " Mboka " au Burundi et qui servent de nourriture. Du Delta de la Rusizi (frontière avec le Congo) jusqu'à Mutumba (une vingtaine de kilomètres au sud de Bujumbura), des centaines de personnes pêchent des poissons pour les manger de toutes les façons possibles. L'introduction de filets en nylon a été catastrophique : les mailles des filets sont si petites qu'ils capturent tout.
Un ami italien, né au Burundi, allait chaque dimanche depuis qu'il était petit pêcher des Nadia, Lates ou quelques Boulengerochromis microlepis. Il a arrêté depuis quelques mois maintenant mais dans les derniers temps, même après avoir amorcé à l'avance les places à Tilapia, il n'attrapait plus aucun poisson alors que la bourriche était pleine auparavant.
D'autres problèmes
Après 15 ans de guerre, le Burundi a retrouvé la paix. Les gens qui avaient fui en Tanzanie et au Congo sont revenus, et certains avaient quitté le pays depuis la guerre civile, en 1972. Leur retour au pays a bien entendu provoqué des conflits territoriaux. Les surfaces disponibles sont rares au Burundi parce que c'est un petit pays très peuplé. Aussi, au fil des dernières années, des centaines de personnes supplémentaires ont construit leur maison le long du lac, souvent dans l'eau! N'ayant pas d'emploi, ils passent le plus clair de leur temps à pêcher à la ligne ou avec des filets. Malheureusement pour lui, le pauvre Cyphotilapia frontosa est considéré comme un des meilleurs poissons du lac. (Nous n'avons pas d'opinion à ce sujet car nous n'avons jamais eu le cœur de le goûter.). En conséquence, Cyphotilapia frontosa est devenu rare le long des côtes burundaises. Le mois passé, nous avons plongé à un endroit où, lors de nos plongées à 20 — 25 m de profondeur il y a une quinzaine d'années, on était entouré par des douzaines pour ne pas dire des centaines de C. frontosa. Lors de cette dernière plongée, nous sommes descendus à 30 m de profondeur et nous n'avons vu que deux jeunes spécimens de moins de 10 cm de long. Ils étaient probablement trop petits pour pouvoir mordre à un hameçon. Pas un seul adulte en vue !
Dans les années 70, en restant posé sur le fond à une profondeur de 4 à 8 mètres, on pouvait admirer des milliers d'Enantiopus et de Xenotilapia se reproduisant sur le sable. Une vue magnifique ! Cela doit faire plus d'un an maintenant qu'on n'a pas vu d'Enantiopus. Cette situation est vraie également pour les espèces de Xenotilapia, Callochromis, Cyathopharynx et  Ophthalmotilapia. Aujourd'hui, il est presque impossible de les trouver en plongée, juste quelques individus timides qui s'éloignent rapidement. Mais pourquoi ? Que s'est-il passé ces dernières années ? Le passage répété des sennes, semaine après semaine, toujours à la même place, a sonné le glas à ces endroits. Maintenant, tous ces poissons préfèrent rester dans les eaux plus profondes.
Je me souviens combien il était intéressant, il y a une trentaine d'années, d'observer une senne de plage sortir de l'eau. La plupart du temps, elle ramenait des kilos de poissons, et des gros : des poissons-chats, Bagrus et Malapterurus, de grosses anguilles Mastacembelus, quelques jeunes Lates ou Boulengerochromis microlepis mais aussi des Synodontis et de nombreuses espèces de petits cichlidés en quantité. Les sennes que j'inspecte maintenant ne ramènent généralement pas plus d'un demi-kilo de poisson.
L'année passée, Siegfried Loose, un aquariophile allemand bien connu (réputé pour son livre sur les espèces de Cyathopharynx) a passé un peu plus d'une semaine au Burundi. II cherchait les trois variétés que nous avons: Ruziba, Rutunga et Nyanza Lac. À sa grande déception, il n'en attrapa aucune, pire même, il n'en a même pas vu ! Toby Veal de Zambie m'a écrit il y a quelques mois pour me dire que les Cyathopharynx foae étaient pratiquement impossibles à trouver et il ajoutait « ces filets en nylon mono-filament sont une catastrophe... ».
Conclusions
Toutes les observations reprises ci-dessus sont bien entendu très inquiétantes. Pour le moment, la densité des poissons a dramatiquement chuté et nous pensons qu'aujourd'hui, elle ne doit plus représenter que 40 % de la biomasse des poissons présents au Burundi il y a trente ans. Heureusement, il semblerait que, pour le moment, aucune espèce n'ait complètement disparu de la côte.
Nous avons apprécié de noter dernièrement que julidochromis regani regani qui a disparu de la plage rocheuse de Gatuma (un biotope très fragile puisque son rivage, où l'eau n'avait que deux mètres de profondeur, est à sec depuis quelques années maintenant) est toujours présent dans une zone rocheuse au large. De la même manière, le Cobra du lac (Boulengerina annulata) a disparu des côtes du Burundi après que la route côtière a été pavée en 1978 mais est toujours bien présent dans le sud.
Durant le congrès PAS, nous avons été félicités par les autorités burundaises pour notre contribution à la protection de la biodiversité des cichlidés dans le lac grâce à notre ferme piscicole démarrée il y a maintenant 40 ans. Ils ont également reconnu que, écologiquement parlant, nous avons avons toujours mené nos opérations de collecte de façon sécurisée afin de ne pas endommager le biotope, que ce soit en quantité comme en qualité. Étant en contact avec le personnel de la nature au Burundi, nous les tenons informés de nos observations en plongée. Le gouvernement burundais voudrait également créer une Réserve Naturelle dans le lac. Nous aimerions leur proposer deux endroits le long de la côte rocheuse qui sont assez préservés de l'érosion. Un de ces deux lieux est Magara (à la borne kilométrique  40) qui est le meilleur endroit pour les Cyphotilapia. L'autre zone est située à 35 km au sud de Bujumbura. N'étant pas trop proches de la route, ces deux milieux sont protégés de l'érosion. À Magara, il y a un léger courant qui peut aider à nettoyer d'éventuelles boues. Cette partie du rivage, comprise entre les bornes 33 et 40, est très intéressante pour la biodiversité parce que ce sont les seuls endroits au Burundi où l'on peut observer des Synodontis granulosus et des Chalinochromis brichardi.
Il y a aussi des privés qui s'investissent dans la conservation et la maintenance de la biodiversité locale. On en connait un qui a acheté un terrain dans le Delta de la Rusizi, il y a replanté un tas de plantes et d'arbres, a réintroduit quelques reptiles et de petits mammifères qui sont endémiques de cette région. Les gouvernements autour du lac essayent de contrôler la pollution, la déforestation et la surpêche mais cette tâche est énorme et le temps est compté. Bien entendu, le manque de moyens financiers et la pression démographique rendent le travail encore plus difficile. Ces efforts sont un réconfort pour nous car tout comme vous, nous en sommes certains, nous sommes très tristes de la situation catastrophique actuelle du Lac Tanganyika que nous aimons tant pour sa beauté et sa biodiversité merveilleuse.

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